[ENTRETIEN] Russel Targ

Pendant vingt ans, avec le soutien du gouvernement américain, Russel Targ a mené des recherches prouvant la réalité des facultés extrasensorielles. Physicien reconnu, pionnier dans le développement des lasers, il a co-dirigé dans les années 1970-1980 le programme de l’Institut de Recherche de Stanford sur les facultés parapsychiques. Certaines de ses études ont été dé-classifiées. Rencontre.

Vous avez consacré plusieurs livres aux capacités extrasensorielles. Comment en êtes-vous venus à ces sujets ?

Pendant 23 ans, j’ai co-dirigé à l’Institut de Recherche de Stanford (SRI) un programme de 20 millions de dollars sur les techniques de perception dites de vision à distance, qui permettent de faire taire le bavardage mental et de décrire avec justesse des lieux et des événements que le temps ou l’espace rendent ordinairement inaccessibles. Des personnes courageuses, au sein de la CIA, de la NASA et des services de renseignements américains, ont pris le risque de nous soutenir. En 1995, j’ai réussi à faire dé-classifier la plupart de nos travaux. Au vu des preuves accumulées, au SRI et dans d’autres laboratoires, il est déraisonnable de nier l’existence de cette faculté de l’esprit humain. Avec de la pratique, il n’est pas plus compliqué de décrire ce qu’il se passe à des milliers de kilomètres que de l’autre côté de la rue ! De même, il est aussi facile de décrire la Une du journal de demain que celle d’aujourd’hui. Les taux statistiques de réussite des tests de vision à distance sont irréfutables – ils sont même supérieurs à ceux à partir desquels les institutions de santé ont adoubé le rôle de l’aspirine dans la prévention des crises cardiaques.

Comment a démarré votre collaboration avec le gouvernement américain ?

Elle s’est amorcée au début des années 70, pendant la guerre froide. Notre accord était le suivant : la moitié du temps, nous réalisions des recherches scientifiques pour essayer de comprendre ces phénomènes. Nos découvertes ont fait l’objet de publications, par exemple dans Nature (1974) et Proceedings of the Institute of Electrical and Electronic Engineers (1976). Depuis, elles ont été reproduites dans le monde entier. L’autre moitié du temps, nous menions des opérations pour leur compte. Par exemple, en 1974, le voyant Pat Price, un policier à la retraite, a dessiné avec précision, à partir de coordonnées géographiques transmises par un agent, l’intérieur d’un complexe soviétique de recherche et développement, dont la CIA ignorait les activités. Il a visualisé une immense grue-portique, ainsi qu’une sphère métallique d’une vingtaine de mètres de diamètre. Trois ans plus tard, les renseignements américains ont découvert qu’elle entrait dans la construction d’une arme à rayon. Cette expérience a été un tel exploit que nous avons été convoqués par le Comité de surveillance du renseignement du Congrès, afin d’établir s’il n’y avait pas eu de fuite dans la sécurité nationale ! Par la suite, nous avons enseigné la pratique de la vision à distance à de nombreux officiers de renseignements militaires, localisé des avions russes, donné des informations exactes sur l’état de santé des otages américains en Iran, aidé à retrouver le Général Dozier, kidnappé en 1981 en Italie… Parmi les centaines de cas sur lesquels nous avons travaillé, beaucoup sont encore classés confidentiels.

Quelles sont les expériences qui vous ont le plus convaincu ?

En 1974, la police de Berkeley nous a appelés pour l’aider à retrouver la trace de Patricia Hearst, la fille d’un grand magnat de la presse kidnappée la veille. Nous sommes allés avec Pat Price au commissariat. Le voyant a demandé à consulter l’album-photos des criminels interpelés au cours des dernières années. Il a tourné plusieurs fois les pages, puis a désigné un homme, Donald DeFreeze, sorti de prison un an auparavant. Les policiers ont ensuite demandé à Pat s’il pouvait localiser la voiture du rapt. Il a répondu qu’il voyait un break, garé à côté d’un restaurant, face à deux grosses citernes blanches, à proximité d’un pont autoroutier, à une centaine de kilomètres au nord. L’un des inspecteurs a dit : « je sais où c’est ; c’est sur le chemin de Vallejo, où j’habite ». Une équipe a été envoyée ; elle a localisé le véhicule. A l’intérieur, se trouvaient des cartouches du même calibre que les douilles retrouvées dans la chambre de Patricia Hearst… Autre expérience bluffante : en 1982, j’ai monté un programme pour essayer de prédire l’évolution du cours de l’argent-métal. Nous y sommes parvenus neuf fois, en neuf semaines. Une belle réussite sur un marché aussi volatile, qui nous a permis d’empocher 120000 dollars !

Comment la science explique-t-elle ces capacités ?

Les recherches ont montré qu’il ne s’agissait pas d’une transmission par ondes. Les voyants sont capables de visualiser des éléments placés dans des environnements isolés de tout champ électromagnétique. La physique moderne admet depuis Einstein et les découvertes de la mécanique quantique que nous vivons dans un monde non-local, où les choses sont interconnectées de façon surprenante. D’ordinaire, nous pensons en 4 dimensions – trois spatiales et une temporelle. Le travail du mathématicien Hermann Minkowski montre que chacune de ces dimensions est en réalité plus complexe. Il définit un espace non-local, qui pourrait permettre des communications entre des éléments physiquement et temporellement distants. Ce n’est peut-être pas la réponse exacte, mais ça s’en rapproche. Pour moi, l’explication est multidimensionnelle.

Pourquoi faut-il s’intéresser à ces facultés extrasensorielles ?

Pas seulement parce qu’elles permettent de trouver ses clés de voiture, une place de parking ou les évolutions de la Bourse ! Elles élargissent la vision que nous avons de nous-mêmes, et nous enseignent qui nous sommes vraiment : pas juste la personne physique que nous voyons dans la glace, mais des consciences non-locales, interconnectées à l’univers. Calmer son esprit, s’ouvrir à une dimension non-matérielle permet d’avancer vers plus de sérénité, de bonheur et de sens. Pour le film Shadow Warriors que je suis en train de préparer, j’ai interviewé une vingtaine de militaires et d’officiels ayant été formés à la vision à distance. Le photographe qui m’accompagnait était ébahi de voir à quel point tous sonnaient comme Yoda ! Ce qui m’intéresse, c’est d’apprendre aux gens à se rapproprier leur capacités naturelles et à les intégrer à leur vie, dans une conscience plus élevée d’eux-mêmes et du monde.

On peut se croire surpuissant, quand on acquiert ces capacités…

Les textes ancestraux du bouddhisme et de l’hindouisme décrivaient déjà, il y a 2000 ans, les facultés parapsychiques – qu’il s’agisse de voir à distance, de prédire l’avenir, de diagnostiquer une maladie ou de parler aux défunts. Ces facultés se présentent au fur et à mesure que nous parvenons à calmer notre mental, dans notre chemin vers l’illumination, mais les enseignements disent bien qu’il ne faut pas s’y attacher. En faire l’expérience est un indicateur ; si elle gonfle l’égo et distrait de la recherche de l’unité de la conscience, elle devient un obstacle. S’intéresser aux capacités extrasensorielles nous confronte aux mêmes problèmes d’intégrité et de responsabilité que ceux auxquels nous avons affaire dans nos vies quotidiennes. La vision à distance est accessible à tous. Elle nous connecte à une dimension étendue de la conscience, au-delà des limites ordinaires du corps, de l’espace et du temps, et peut ouvrir sur notre appartenance à une communauté spirituelle que nous ne soupçonnions pas.

Perceptions extrasensorielles
Quand un scientifique prouve la réalité des facultés parapsychiques

Russell Targ, Ed. Trajectoire, 2014, 331 pages, 22 €
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