[J’AI LU] Et je veux le monde

Dans “Et je veux le monde”, il y a Samba, autiste léger, bientôt 18 piges, fan de PNL, de sneakers et de sa sœur. Une partie du roman se passe dans sa tête. Dans ses pas, dans son rythme – car s’il y a un mot qui caractérise ce livre, c’est « rythme ». Dans ce roman de Marc Cheb Sun, il y a une cadence, un swing.

Marc Cheb Sun, je le connais depuis longtemps. Enfin, depuis 18 ans – c’est longtemps 18 ans ? Marc, je l’aime et je le respecte profondément. Auteur, journaliste, éditorialiste, empêcheur de penser en rond, créateur de médias, révélateur de talents… Marc, je lui dois beaucoup, humainement et professionnellement. Peut-être est-ce pour ça que j’ai mis tant de temps à poser des mots sur Et je veux le monde, paru en mars aux Éditions Lattès. Par pudeur ? Par trac ? Ou parce que j’avais juste envie d’écrire : Achetez-le ! Lisez-le !

Dans Et je veux le monde, il y a Eros, le pote de Samba, avec qui il doit effectuer un stage à la mairie. Il y a une mère en filigrane, un sœur directrice d’un centre social, un élu arriviste tendance droite dure, une attachée de presse aux dents longues, un patron de bar importé des US et deux directeurs de théâtre, figures aussi charismatiques que troubles de la gauche culturelle. Et puis il y a Paris, les rêves, le pouvoir, l’ambition et les tensions d’un quartier où les commerces branchés côtoient une grande pauvreté.

Il y a une langue, aussi, qui colle à son sujet, ainsi qu’un regard et une intensité. Et je veux le monde est presque un roman policier. Au fil des pages, la tension monte, dans le livre comme dans le quartier. Un passé sombre – on le sent bien – ne demande qu’à exploser.

Ce livre est un monde à lui seul, mais pas forcément celui que vous imaginez si je vous parle de « quartiers ». Ce n’est pas un livre « sur ». C’est un livre « dans ». Ce n’est pas un « roman social » – ou alors tout autant que le sont ceux de Flaubert ou Balzac. Un monde où les identités sont plus subtiles, plus plurielles qu’elles en ont l’air.

Car il y a chez Marc Cheb Sun cette volonté de ne jamais rien assigner à résidence – « le courage de la nuance », disait-on à propos de Camus. Ses personnages ont chacun leur singularité, qui suinte des postures qu’ils affichent ou des étiquettes qu’on souhaite leur coller.

A bien y réfléchir, Et je veux le monde est un livre sur le fantasme. Le fantasme de l’autre, de son origine, de sa couleur de peau, de ce qu’il devrait être ou de ce que l’on voudrait qu’il soit. Au fil des pages, Marc Cheb Sun danse, comme un boxeur sur un ring, souple et alerte, prenant plaisir au contre-pied. Bim, bam, d’où le coup va-t-il venir ?

Camus disait : « L’équilibre est un effort et un courage de tous les instants. La société qui aura ce courage est la vraie société de l’avenir. » Marc Cheb Sun a ce talent d’humaniser le non-conforme, d’en capter la richesse et d’explorer les préjugés pour mieux les déminer.

Quand Et je veux le monde est sorti, j’ai pensé : « Chouette chouette chouette », et puis la vie m’a rattrapée. Deux mois plus tard, je m’y suis enfin plongée, et je ne l’ai plus lâché. Happée.

Bref…

Achetez-le ! Lisez-le !